Arrêter de boire Sur le Web Un médicament pour stopper net l’alcoolisme

Un médicament pour stopper net l’alcoolisme

Un essai clinique va être lancé en France afin de valider l’efficacité d’un relaxant utilisé contre l’addiction à l’alcool.

Par Sophie Pams

Modifié le – Publié le | Le Point.fr

Une pilule pour ôter toute envie de boire en quelques jours. L’idée semble surréaliste, et pourtant, le professeur Philippe Jaury va lancer un essai clinique en septembre à Paris pour déterminer l’efficacité du baclofène sur l’alcoolisme. Ce médicament, normalement utilisé pour soulager les spasmes musculaires, ferait également office de substitut à l’alcool.

La première étude sur l’utilisation du baclofène contre les addictions date de 1993 aux États-Unis. En France, le sujet reste méconnu jusqu’au livre d’Olivier Ameisen en 2008. Ce cardiologue, ancien alcoolique, avait tout essayé. Les groupes de soutien (plus de 5 000 réunions en sept ans), les cures (cinq mois en centre de désintoxication) et même un traitement médicamenteux pendant 18 mois. « Rien n’avait d’impact sur moi, raconte Olivier Ameisen. Pendant dix ans, je rechutai à peine sorti d’une réunion ou d’une cure. »

Jusqu’au jour où le professeur à l’université de l’État de New York tombe sur un article de David Roberts. Le scientifique relate une expérience sur des rats dépendants à l’alcool et sevrés en quelques jours à peine grâce au baclofène. Olivier Ameisen se procure le relaxant musculaire, en vente libre aux États-Unis : « En six jours, mon addiction était supprimée. » Selon le cardiologue, le baclofène permet d’arrêter la dépendance à l’alcool, sans pour autant créer d’addiction médicamenteuse. Dès 2004, le médecin essaie de lancer des essais cliniques dans le monde entier. Aux États-Unis, en Suisse, en Allemagne, le phénomène prend, mais pas en France. Olivier Ameisen décide de raconter son histoire dans un livre, Le dernier verre, publié en 2008.

Pas d’autorisation de mise sur le marché

Selon l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), 100 000 personnes prennent du baclofène aujourd’hui, dont 20 000 pour lutter contre l’alcoolisme. C’est le cas de Sylvie. « Je ne voulais pas aller chez un alcoologue, car l’abstinence totale me faisait peur », raconte l’informaticienne, qui a fondé en mai dernier l’association Baclofène. Sylvie se procure alors le médicament en Espagne et adapte les doses jusqu’à ce qu’elle ne ressente plus le besoin de boire d’alcool. « Des effets secondaires, comme la somnolence ou les nausées, existent, mais ils s’estompent en quelques jours », explique la présidente de l’association. Selon elle, les méthodes habituelles possèdent un taux de guérison de 10 %, contre 60 % pour le baclofène.

Pourtant, le médicament n’a toujours pas d’autorisation de mise sur le marché pour traiter l’alcoolisme en France. Récemment, l’Afssaps a publié une mise en garde contre les effets secondaires et l’absence de preuve scientifique de l’efficacité du médicament. De plus en plus de médecins le prescrivent malgré tout, à leurs risques et périls. Annie Rapp, psychothérapeute, le délivre à ses patients depuis deux ans. « Je l’ai prescrit à une centaine de personnes et ça a fonctionné pour la majorité d’entre elles, explique le médecin. Le traitement n’est pas lourd et il est utile. » « On n’éradique pas l’alcoolisme avec un cachet, ne soyons pas naïfs, répond Michel Lejoyeux, président de la Société française d’alcoologie (SFA). Il faut réaliser des études concrètes sur la tolérance des patients. »

Éviter l’effet placebo

Le professeur Philippe Jaury, qui le prescrit à ses patients depuis trois ans, a déposé en janvier un programme de recherche clinique. C’est lui qui pilotera l’essai clinique lancé à Paris en septembre et qui sera soutenu financièrement par le gouvernement. « Il s’agit d’un traitement en double aveugle, explique le professeur. Le médecin ne sait pas ce qu’il donne et le patient ne sait pas ce qu’il reçoit. Ça évite l’effet placebo. » Trois cents patients répartis dans toute la France seront traités pendant un an par une cinquantaine de médecins tirés au sort.

Olivier Ameisen aidera le professeur Philippe Jaury à établir le protocole. « Il existe des doses codifiées par les neurologues aux États-Unis, explique le cardiologue. Elles permettent aux patients d’être sevrés au bout de une à cinq semaines. En France, elles ne sont pas encore vraiment appliquées. » Les résultats de l’essai clinique ne devraient pas être connus avant 2013.

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