Arrêter de boire Déni et co-dépendance Co-dépendance et désignation

Co-dépendance et désignation

Docteur Michel JACQ – Elément de référence/communication présenté lors de la journée organisée à l’attention des médecins du travail, le jeudi 11 juin 2009

« a) Celui (ou celle) qui nous gâche la vie :
C’est ainsi souvent qu’est désigné le malade alcoolique. A la fois coupable de ne pas savoir boire comme les autres et coupable de ne pas vouloir reconnaître quand il s’alcoolise plus que de raison, le perturbateur est avant tout celui qui fait souffrir les autres. Cette désignation est en premier lieu formulée par le conjoint. S’il est le mieux placé pour désigner, il met cependant rarement sa souffrance comme élément à charge dans son dossier d’accusation, préférant souvent s’indigner de celle subie par ses enfants.

b) Celui (ou celle) que l’on aime sinon on ne serait plus là !
Il s’agit bien là d’un paradoxe, plus la souffrance est grande, plus elle témoigne de l’amour porté au malade. En même temps, on retrouve là le raisonnement de l’abandonnique qui met l’autre à l’épreuve pour faire la preuve… qu’on l’aime toujours. Hélas la répétition des épreuves finit par ne plus laisser de place à la dynamique du couple, elle s’y substitue.

c) Celui (ou celle) qui nous fait honte…
Assez souvent, le malade alcoolique par ses troubles du comportement, attire l’attention du voisinage ; la famille n’a plus alors comme solution que de cacher, de le cacher quand il a bu et progressivement de se cacher en temps que famille. Le cercle des amis se restreint, cette dissimulation s’accompagne d’une honte de ce qu’ils sont.
La famille d’un alcoolique devient insidieusement une famille d’alcooliques. Le malade est ainsi désigné avec d’autant plus de violence que parler de cette honte c’est rompre avec ce processus ancien dont l’une des règles principales était le maintien du secret, comme ciment de la famille nucléaire..

d) Celui (ou celle) que nous portons (ensemble) à bout de bras
En fait, le malade, par le dysfonctionnement familial qu’il induit, organise le rythme de vie dans une alternance de périodes de crises et de réparation. Au fur et à mesure que les crises se rapprochent, les moments de réparation disparaissent, le malade n’est plus perçu que comme l’objet de sa maladie. La dimension de sa souffrance peut lui être déniée. Il n’est alors plus qu’un fardeau qu’il faut porter, et cette tâche unit ses proches, renforce le lien d’affiliation, avec un sens de la loyauté qui empêche chacun de lâcher prise sauf à porter la culpabilité d’avoir augmenté le poids à porter pour ceux qui restent !

e) Le trouble fête
Sans lui (ou sans elle) la vie serait une fête. A ce stade, le malade et l’alcool ne font plus qu’un dans la représentation de ses proches. Il est celui qui apporte le trouble, la violence parfois, la colère presque toujours. Le malade est irritable, son entourage aussi. A la diffluence des affects et des jugements du malade, répond le souhait de protéger et de se protéger mais aussi de lui faire payer cet insupportable vécu, né de l’impuissance à mettre fin à ses alcoolisations.
La violence morale n’est supportable que parce qu’elle entretient l’illusion que si la famille peut gérer cela, c’est parce qu’aucun autre problème ne peut séparer ses membres. La maladie alcoolique ne laisse pas de place à l’émergence d’une autre difficulté. Cette souffrance les unit, tend à parentaliser les enfants, atténuant aussi les conflits de génération. Le malade joue alors son rôle, canalisant vers lui l’ensemble des reproches et des tensions. On pourrait voir ici l’idée qu’il y a la derrière la souffrance »

Co-dépendance et désignation 

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